Vue d'une salle du Grand Hotel à Anvers pour la vente de la collection Henri Pareyn, décembre 1928. HP.2010.9.2, collection MRAC Tervuren ; photographe non identifié, 1928, tous droits réservés.
Né en France et ayant grandi à Bruges, Henri Pareyn (1869-1928) aurait commencé sa collection dès la fin du XIXe siècle, vraisemblablement autour de 1896, année de son mariage qui entraîna son installation à Anvers. Voyageur de commerce – il aurait été « négociant en sac » –, ses déplacements lui auraient donné l’occasion de trouver des objets du Congo chez les particuliers :
« Dans ses courses en province il a fréquemment rencontré des congolais [le terme désigne alors les anciens coloniaux] auxquels il a acheté des collections au fur et à mesure qu’il tombait sur une occasion » (correspondance de Hauleville à Arnold, secrétaire général du ministère des Colonies, le 3 février 1918).
Plus récemment, Pareyn est volontiers décrit (Guide du MAS : 18-19) comme ayant plutôt à dessein directement prospecté le port d’Anvers à la recherche d’objets rapportés par les agents de retour du Congo.
Les activités de Pareyn n’ayant laissé que peu de traces, difficile de savoir si celui-ci a été collectionneur avant de se spécialiser dans le commerce de ces objets, comme le suggère le directeur du Musée de Tervuren : « Il a placé ces collections chez lui dans une installation assez coûteuse qui semble démontrer son intention première de garder sa collection pour lui et non d’en trafiquer » (correspondance de Hauleville à Arnold, id.).
Quoi qu’il en soit, sa maison – aménagée pour déployer la collection à la vue des visiteurs/acheteurs – ne tarde pas à attirer des commerçants spécialisés, y compris des pays frontaliers.
Son activité donnera lieu à plusieurs ventes importantes, notamment avec des musées (Tervuren, 1911 et 1914-1919 ; MAS Anvers, 1920 ; vente aux enchères posthume, 1928 où de nombreuses acquisitions seront faites par l’anglais Sir H. Wellcome et se trouvent aujourd’hui au Fowler Museum de Los Angeles, États-Unis).
Chacun de ces corpus comporte près de 2 000 objets, ce qui atteste l’ampleur de la collection et de son renouvellement entre chacune des transactions.
Malheureusement, lors des acquisitions de ces objets par le Musée de Tervuren, les informations de provenance connues de Pareyn n’ont pas été consignées ou ont été perdues.
On n’en retrouve plus que quelques mentions disparates dans les archives du musée (voir la notice de Nicolas Arnold, intermédiaire pour l’achat de la seconde collection du Musée royal de l’Afrique centrale – MRAC).
Par exemple, un Marimba MO.0.0.20694 était accompagné d’une étiquette (DA.2.390 p. 59) indiquant : rapporté par « M Weber (illisible : procureur ?) général ». Il s’agit sans doute d’Herman Weber (1864-1938), procureur général au sein de l’État indépendant du Congo (EIC) puis jusqu’en 1921 de la Colonie belge (voir URL ci-dessous).
Un autre feuillet (entre deux pages 84 et 85 du DA.2.390) concerne un « objet [non identifié] destiné à rendre les indigènes invisibles dans leurs attaques contre les Européens (recueilli à l’intérieur du poste de Simba – Haute Maringa – en 1906 pendant la révolte dans l’Abir). » Ce contexte désigne l’Anglo-Belgian India Rubber Company, l’une des entreprises productrices de caoutchouc, propriété de Léopold II, dont les exactions ont été dénoncées par Edmond Morel (1905).
Enfin, une note (dernière et avant-dernière page du dossier DE.2.390) concerne un peigne EO.0.0.22363 « rapporté par Bruynooghe et De Ruycker [? Rycker, voire Zycker – trois orthographes différentes], pilotes à Ostende (mission scientifique d’exploration des eaux du Congo belge 1911) », une expédition qui a laissé peu de traces dans les archives en Belgique.
De même, sur les près de 2 000 numéros que comporte le catalogue de la vente de 1928, moins de dix mentionnent une information précise : huit numéros renvoient au commandant Charles Lemaire, 1897, tandis qu’un spécimen no 742 est un « Crâne de chimpanzé, de 1m73, tué à Gali (Mongala) le 1er mai 1903 par O. Lauthaire ». Mais le seul objet qui put être acquis par le Musée de Tervuren – du fait des prix d’adjudication devenus trop élevés – n’offre a priori pas de telles précisions. Il s’agirait d’une coupe céphalomorphe en terre cuite EO.0.0.30652 donnée en janvier 1929 par le baron Lambert qui avait été sollicité par le directeur Schouteden pour intervenir financièrement lors de la vente. Il est toutefois difficile de retrouver cet objet dans le catalogue. En effet, la partie consacrée aux coupes en bois sculpté présente de nombreux exemples céphalomorphes Kuba, mais ne signale pas ce matériau spécifique. Dans la partie consacrée aux poteries, trois gobelets en « terre cuite, sculpté en forme de tête humaine “Bakongo” (Ebrech. au pied) » pourraient correspondre à celui-ci : auquel cas, la correction de l’attribution culturelle serait alors le fait de son indexation muséale après la vente.
À cette époque, l’effort de documentation des objets se focalise en effet sur les origines géographiques et culturelles, et beaucoup moins sur les informations contextuelles historiques, négligées du fait de la perspective ethnographique accordée aux collections africaines. Les récentes recherches de provenance menées sur des objets de la « collection Pareyn » conservée au MAS à Anvers (URL) n’ont pas plus permis d’identifier et connaître les fournisseurs d’objets du marchand et de préciser ainsi les contextes de prise de ces objets au Congo.
Claes, F. & V. 1928. « Art nègre du Congo. Vente publique de la collection de feu Mr Henri Pareyn, d’Anvers. Les lundi 10, mardi 11, mercredi 12, jeudi 13, vendredi 14, samedi 15 décembre 1928 ». Anvers : catalogue de la vente.
Van Schuylenbergh, P. 1995. « Découverte et vie des arts plastiques du Bassin du Congo dans la Belgique des années 1920-1930 ». Enquêtes et documents d’Histoire africaine 12 : 1-60.
Corbey, R. 1999. « African Art in Brussels ». Anthropology Today 15 (6) : 11-16.
Corbey, R. 2000. Tribal Art Traffic. A Chronicle of Taste, Trade and Desire in Colonial and Post-Colonial Times. Amsterdam : Royal Tropical Institute, 255 p.
Biro, Y. 2013. « Avant Charles Ratton. Commerce et diffusions des arts africains des années 1900 à 1920 ». In Charles Ratton. L’invention des arts primitifs, catalogue de l’exposition. Paris : Musée du quai Branly, pp. 43-57.
Biro, Y. 2015. « African arts between curios, antiquities, and avant-garde at the Maison Brummer, Paris (1908-1914) ». Journal of Art Historiography 12 : 1-15.
Biro, Y. 2018. Fabriquer le regard. Marchands, réseaux et objets d’art africains à l’aube du XXe siècle. Paris : Les Presses du Réel, 407 p.
De Palmenaer, E. (éd.) 2021. « Collectionneur anversois et marchand d’art africain ». In 100xCongo, catalogue de l’exposition. Anvers : MAS, pp. 73-77.
De Palmenaer, E. & Beyers, L. 2018. « La collection extra-européenne du MAS depuis 1862 dans le contexte portuaire d’Anvers ». Villeneuve-d’Ascq : Institut de recherche historiques du Septentrion, online.
Forbes, C.S. 2020. « Making for New Markets: Art, Innovation, and Collecting in Colonial-Era Congo, 1880–1940 ». Doctoral dissertation. Chapel Hill : University of North Carolina.
Lacaille, A., Gondola, D. & Van Beurden, S. 2023. « Provenance, politique et possession d’objets ethnographiques : une introduction ». In A. Lacaille, D. Gondola & S. Van Beurden, (Re)Making Collections. Tervuren : Musée royal de l’Afrique centrale, pp. 47-80.
Lacaille, A. 2019-2020. « Les merveilleuses images de Jeanne Walschot : un monde entre Exotisme et Modernité ». Winter BRUNEAF, catalogues de l’exposition. Bruxelles : Brussels Non-European Art Fair, 2019 (partie 1) & 2020 (partie 2), pp. 6-26/27.
Articles de presse non référencés
« Aujourd’hui s’est terminée la vente d’une superbe collection d’objets d’art nègre appartenant à Mr Pareyn. »
« Cadeaux de nouvel an. – Une collection anversoise. – Masques et fétiches. – Quelques prix. – Pour l’exposition de 1930. – Sauvons l’art congolais ! »
« Une vente sensationnelle à Anvers. La dispersion de la collection nègre de Pareyn produit près de 2 millions de frs. »
Musée royal de l'Afrique centrale. (1911-1967). Section d'ethnographie. Dossiers d’acquisition (Identifiants : DE 200, DE 378, DE 231, DE 277, Échange MRAH 1967-1979).
MAS - Museum aan de Stroom. Dossier d’acquisition « Pareyn ».
Le projet PROCHE (Recherche de PROvenance sur la Collection Ethnographique – Herkomstonderzoek op de Ethnografische Collectie) répond à une demande à la fois politique et sociétale. Ce projet vise à mieux connaître et faire connaître à tous les publics les manières dont les collections ethnographiques et musicologiques ont été acquises pendant la période coloniale en RDC. À cette fin, cette base de données reprend l’inventaire des objets du Congo et d’Afrique centrale conservés au Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) de Tervuren qui a été remis en février 2022 au Premier ministre congolais Jean-Michel Sama Lukonde. Cette mise en ligne est une mise en partage indispensable des données, un point de départ destiné à être progressivement complété par la publication de nouveaux champs. Cette base de données sera ainsi régulièrement mise à jour en fonction de l’avancée du projet et des recherches plus approfondies qui seront effectuées sur les collections.
Il s’avère que certains termes appliqués à ces objets ethnographiques et musicologiques, ainsi que certaines informations qui leur sont associées, posent problème quant à leur signification et leur exactitude. Les informations documentant ces objets sont de nature intrinsèquement coloniale et contiennent des terminologies stigmatisantes pour leurs communautés d’origine ou les diasporas concernées. Nous tenons cependant à préciser que ces informations ne sont pas représentatives de l’opinion du MRAC et du projet PROCHE. En effet, le projet défend une position anticoloniale et antidiscriminatoire et il affirme son soutien aux communautés historiquement marginalisées et privées de leurs droits. Nous sommes donc conscients que notre catalogue peut provoquer des tensions psychologiques et physiques. C’est pourquoi, nous invitons les lectrices et lecteurs à prendre en compte le contexte dans lequel le catalogue est présenté.
Cet inventaire est, en soi, une source historique et une construction d’un passé plus ou moins récent. En effet, il contient des informations relevant de diverses strates historiques jusqu’à aujourd’hui et pourrait être compris, perçu et lu comme un palimpseste. Cela rend son étude conflictuelle et laborieuse, car elle conduit aussi inévitablement à reproduire des classifications, des désignations qui sont biaisées et parfois préjudiciables.
Il est important de le contextualiser, compte tenu de la situation historique profondément inéquitable au cours de laquelle ces objets ont été prélevés et qualifiés.
Actuellement, ces termes problématiques servent davantage de traces de l'histoire et de supports de recherche que de véritables qualificatifs des objets et/ou des cultures dont ils sont issus, et c’est pour cela qu’il apparait important de les conserver en l’état. Mais une approche critique est de mise à leur égard et pour cette raison, un texte explicatif et/ou d’avertissement est ajouté à certains champs jugés problématiques.Parallèlement, dans une démarche collaborative, toute personne intéressée par la correction ou la précision d'une information est invitée à nous contacter à l'adresse électronique suivante : proche@africamuseum.be